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« C’est énorme de pouvoir sortir » : des promenades pour le bonheur des aînés

Dernière mise à jour : 26 janv. 2021

Paris en Compagnie organise des balades pour combler la solitude des aînés. Une bouffée d’oxygène pour les personnes âgées, coincées chez elles depuis le début de la crise sanitaire.

Maguy et Quentin en balade rue Chardon-Lagarde dans le XVIème arrondissement de Paris. (Crédits Marie Paturel)


Rue Chardon-Lagarde, il est 15h. Suivant le tapis rouge déroulé sous ses pieds, Quentin regagne le quatrième étage d’un immeuble haussmannien. Le jeune homme de 28 ans sonne à la porte de Maguy. Une petite dame de 86 ans, pleine de retenue, apparaît sur le seuil. Son sourire est discret, à peine visible. L’étincelle qui brille dans ses yeux traduit, à elle seule, le bonheur de retrouver Quentin. Pour le deuxième jeudi consécutif, elle s’échappe de son appartement, dans le XVIe arrondissement de Paris, au bras de son chevalier pour une balade dans le quartier.


Une fine pluie - de celle qui vous fait oublier sa présence, mais qui ne rate pas l’occasion de vous tremper - les attend en bas. « On ne va pas trop s’éloigner, parce qu’il ne va pas tarder à sérieusement pleuvoir », observe Quentin. Un grand parapluie ouvert au-dessus de leur tête, le duo remonte une avenue très passante. Emmitouflée dans une longue doudoune bleu marine et une paire de Nike Force Air marron aux pieds, de loin, Maguy a l’allure d’une jeune femme à la pointe de la mode. Seule sa démarche et sa béquille trahissent son âge avancé.


« Quand on est enfermé c’est terrible »


Cette escapade représente une bouffée d’oxygène. « C’est énorme de pouvoir sortir, quand on est enfermé c’est terrible, confie Maguy, privée de sa passion pour le golf depuis une chute en octobre dernier. Je ne risque pas de me promener toute seule, je ne suis pas encore autonome. S’il n’y avait pas Quentin, ce serait quand même dur ». Pour l’ancienne cheffe de personnels dans le secteur du pétrole, ces balades sont un échappatoire. Une découverte qu’elle doit à une publicité de l’association Paris en Compagnie, en partenariat avec la ville de Paris, reçue dans sa boîte aux lettres.


Quentin, lui, a découvert l’association il y a quelques mois sur le réseau social Instagram. À priori, le bénévolat n’est pas son domaine de prédilection. Mais depuis le premier confinement, le cuisinier au George V n’a plus d’activité professionnelle. S’engager résonne alors comme une évidence pour s’occuper et se rendre utile. « Autant mettre ce temps à bon escient et en faire profiter les gens qui en ont besoin. » Sous une casquette à l'effigie de l’équipe de hockey des Rangers de New York, les yeux de Quentin suivent attentivement les petits pas de Maguy et veillent au moindre obstacle. Le jeune homme est attentionné. L’accompagnement des aînés devient une nouvelle habitude qui rythme ses journées, parfois longues et répétitives. « La semaine dernière j’étais avec un ancien grand reporter qui a fait la guerre du Vietnam. Ses histoires sont passionnantes, ajoute-t-il en plaçant sa main sur le bras de son binôme du jour. Les personnes âgées sont des livres ouverts. Avec Maguy, je découvre le Paris d’avant à travers ses yeux ».


Un élan de solidarité


Un simple clic sur l’application de Paris en compagnie suffit pour les réunir. À l’aide d’une carte interactive, quotidiennement mise à jour par la dizaine de membres de l’association, Quentin choisit les balades qu’il veut effectuer. Maguy est ensuite informée du rendez-vous par un appel vocal. « Le bénévole doit également contacter la personne âgée, le jour même de la sortie, pour confirmer qu’elle est toujours disponible », explique Lucie, chargée de communication pour Paris en compagnie. L’association a vu le jour en janvier 2019 et compte 3200 bénévoles de 18 à 55 ans. Ces derniers mois, plusieurs nouvelles têtes font leur apparition. « Beaucoup de personnes, notamment dans la culture, ont des emplois du temps allégés. Il y a eu un réel élan de solidarité. »



Capture d’écran du site Paris en compagnie


Par le biais de ces promenades, Lucie et ses collègues ont pour ambition de réduire la solitude de Maguy et des 175 000 personnes âgées isolées à Paris. En temps normal, l’application permet aux soixantenaires (et plus) de programmer une visite dans un musée ou d’aller boire un café. « Ces moments paraissent anodins mais sont très importants pour eux. Les bénévoles vont avec eux chez le médecin ou à la mairie, ils se sentent rassurés ». Engagée pour son association, la stagiaire en communication s’enthousiasme de leur dernière action : des appels de convivialité, mis en place pour pallier les restrictions de sorties liées aux confinements. « On a aussi une assistante sociale pour orienter les aînés vers les bonnes structures en cas de besoins particuliers. On répond à leurs inquiétudes, on s’assure qu’ils vont bien. »


Maguy a le moral, mais la météo, elle, est grincheuse. La pluie devient insistante. “Allez on fait marche arrière, lance Quentin en tournant autour de la vieille dame pour lui attraper l’autre bras. Vous avez vu on fait même de la danse !” Sur le chemin du retour, la gastronomie occupe leur conversation. “Cette boulangerie est très bonne !”, fait remarquer l’octogénaire en indiquant d’un signe de tête l’enseigne. “Vous aimez le fromage ?”, enchaîne dans un tout autre registre Quentin. C’est l'appétit ouvert qu'ils regagnent l’appartement de Maguy. “Vous voulez boire quelque chose : un thé, un coca, un whisky ?”, questionne-t-elle, un regard malicieux. Une stratégie pour garder Quentin auprès d’elle un plus longtemps. Il faudra faire preuve de patience. Le prochain rendez-vous est fixé jeudi 28 janvier. La porte se referme sur une Maguy souriante : “On se revoit la semaine prochaine”.




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