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Environnement : « la réforme de la Constitution promise par Macron n'apporterait rien »

Le conseil des ministres a adopté mercredi le projet de loi visant à intégrer la protection de l’environnement dans la Constitution. Arnaud Gossement, avocat et spécialiste en droit environnemental, en analyse les enjeux.

Une forêt dans le Vercors - BRUSINI Aurélien / Hemis via AFP

Mercredi 20 janvier, un premier pas a été franchi pour inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution, qui était une des propositions des membres de la Convention citoyenne pour le climat, puisque le projet de loi a été adopté en Conseil des ministres. Il doit ensuite obtenir l’aval de l’Assemblée nationale, puis du Sénat, pour enfin être soumis à un référendum. Son but : « donner une force particulière [à l’article premier de la Constitution], introduire un principe d’action positif pour les pouvoirs publics et une volonté affirmée de mobiliser la Nation » d'après les motifs du projet de loi. Mais cette mesure reste de l’ordre du symbole selon Arnaud Gossement, avocat, spécialiste en droit environnemental, qui rappelle que la Constitution comprend déjà des articles plus ambitieux en la matière.


Le conseil des ministres a adopté le projet de loi visant à intégrer la protection de l'environnement dans la Constitution. Est-ce une bonne nouvelle ?


À mon sens non, ce n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle dès l’instant où je ne vois pas ce que l’inscription de cette phrase changerait en France. Bien sûr, la lutte contre le dérèglement climatique doit se jouer sur le terrain juridique ; mais cela ne veut pas dire qu’il faut voter de nouvelles lois. Il s’agit plutôt de faire appliquer celles qui existent déjà. Plutôt que de parler d’écologie, ce serait mieux d’en faire.


On a vu dans l’actualité récente, comme avec l’incendie de l’usine de produits chimiques Lubrizol près de Rouen [le 26 septembre 2019, NDLR] que la priorité est de donner à l’administration française les moyens pour étudier les dossiers de demande d’autorisation, pour contrôler, pour s’informer sur l’activité industrielle mais aussi pour dialoguer et conseiller les inspecteurs. Il y a en France près de 500 000 installations classées ICPE potentiellement dangereuses pour l’environnement, et elles ne sont inspectées que tous les 10 ans !


On a aussi besoin de juges : on parle beaucoup de droit pénal de l’environnement, de délit d’écocide, mais nous n’avons pas de juge qui permette de poursuivre et de sanctionner ces atteintes à l’environnement, de telle sorte que la plupart des infractions environnementales ne seront jamais sanctionnées. On a également besoin que les professeurs soient mieux formés pour pouvoir enseigner le développement durable à nos élèves. Et puis dans les entreprises, il faut recruter des directeurs de développement durable, des juristes en droit de l’environnement, et récompenser les entreprises vertueuses pour les inciter à faire encore mieux.


Que pensez-vous d’un référendum pour inscrire la protection de l’environnement dans l’article 1 de la Constitution ?


Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, à la veille de la présidentielle, de confondre le débat sur le prochain président de la République avec la question du climat. La route est encore longue, on voit bien que le Sénat n’est pas forcément enchanté par cette idée. Ils n’ont pas du tout envie de faire un cadeau à Emmanuel Macron, qui aurait la possibilité de s’exprimer dans le cadre de deux campagnes : sur le référendum et sur l’élection présidentielle. Et puis, à supposer que tout cela arrive, qu’est-ce que cela changerait concrètement ?



Justement, ce changement constitutionnel n'impliquerait-il pas des contraintes juridiques ?


Ce qu’on appelle la Constitution, c’est un ensemble de textes - on devrait plutôt parler de «bloc de constitutionnalité». Parmi ces textes figure la Constitution de 1958 mais aussi la Charte de l’environnement, adoptée et publiée en 2005. L’article 2 de cette Charte a la même fonction que la phrase que l’on propose d’ajouter à l’article premier de la constitution de 1958.


Qu’est-ce que la révision de l’article premier de la constitution apporterait de plus que l’article 2 de la Charte de l’environnement ? Rien. La phrase de l’article premier aurait pour sujet « La France », mais qui est la France ? On ne peut pas faire un procès, ou donner des droits ou des devoirs à la France. À l’inverse, dans l’article 2 de la Charte de l’environnement, le sujet est « toute personne ». Cela peut désigner des personnes physiques (votre voisin) comme morales (une entreprise). L’article 2 précise aussi qu’on a un devoir de « préserver et d’améliorer » l’environnement. L’article premier n’évoquerait que la « préservation » : c’est donc moins ambitieux.


Enfin, la phrase que l’on propose d’ajouter à l’article premier distingue le climat, la biodiversité et l’environnement. C'est dommage ! L’environnement regroupe tout : lorsque vous pensez au climat, vous pensez à la biodiversité. Quand on parle de lutter contre le changement climatique, il faut se poser la question de renaturer les espaces dévastés, d’accroître l’étendue des forêts, de permettre à nos sols d’assurer à nouveau la fonction de puits de carbone. Tout est lié, tout se comprend d'un même sens, c’était le pari de la Charte pour l’environnement.


Le terme d’écocide devrait-il figurer dans la Constitution ?


Non, surtout pas, parce que c’est un terme qui manque de précision juridique et qui pose plusieurs questions de droit. Le bon niveau pour traiter l’écocide, c’est au niveau international. L’écocide concerne des crimes extrêmement graves - comme le fait de brûler l’Amazonie - qui intéressent la communauté internationale, qui dépassent les frontières. Le mettre dans la Constitution française ne changerait pas grand-chose, ce ne serait qu’un énième symbole.


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