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Vers un report du confinement : une bonne nouvelle, pour qui ?

Attendu cette semaine, le reconfinement ne devrait finalement pas être annoncé par l’exécutif. Ce sursis est vu d’un œil suspicieux par certains.

Le gouvernement divisé sur la question d'un troisième confinement (Crédits : PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Emmanuel Macron ne devrait pas s’exprimer cette semaine, et pour certains, c’est une bonne nouvelle. Cela signifie implicitement que le troisième confinement ne devrait pas être déclaré jeudi 28 janvier. Selon les informations de France Info, le Président veut « tout faire » pour éviter un troisième confinement généralisé. Le chef de l'exécutif attend d’en savoir plus sur l’impact du couvre-feu national à 18h. Si le ministre de la Santé Olivier Véran annonçait sur France Inter le 19 janvier qu’un « effet couvre-feu commence à se faire sentir », il faut attendre le samedi 30 janvier, soit deux semaines après l’instauration du couvre-feu national, pour établir avec certitude l’impact de la mesure.


En attendant, le gouvernement scrute les cas positifs au variant B.1.1.7. (dit « britannique »), principal sujet d’inquiétude, puisqu’il serait plus contagieux, selon les études préliminaires. « La menace, c’est le nombre de cas positifs au variant britannique présent sur le territoire », affirme Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis de Paris. Au 21 janvier, Santé Publique France faisait état de 131 cas positifs au variant anglais, mais le chiffre pourrait être beaucoup plus important tant sa progression est exponentielle. « L’objectif est vraiment de prendre des mesures juste avant ou au tout début de l’accélération, poursuit Anne-Claude Crémieux. Car lorsque le variant atteint un certain niveau de propagation dans la population, l’accélération est très brutale. » La perspective d’une flambée des cas pousserait alors le gouvernement à reconfiner au niveau national.


Tirer les leçons des premiers confinements


Toutefois, le professeur Bruno Megarbane, chef de réanimation à l’hôpital Lariboisière à Paris, juge qu’il est plus sage de temporiser. « C’est une décision politique qui va engager la vie sociale du pays pour plusieurs semaines, fait-il valoir. Or nous sommes actuellement sur un plateau de contamination - certes haut - et la situation est globalement sous contrôle dans les hôpitaux. À l’inverse du mois de mars, il n’y a aujourd’hui pas d’urgence à prendre de décision vis-à-vis du confinement ».


Le graphique a été réalisé à partir des chiffres de Santé Publique France. Les creux observés correspondent à la fermeture de la plupart des centres de dépistage le dimanche.

Crédits : Nicolas Celnik et Rémi Bouveresse.


Si l’exécutif hésite, c’est aussi par peur de mettre à mal l’économie française, durement touchée depuis le début de la pandémie. Outre les secteurs de la restauration, du spectacle et du tourisme, les commerces ont particulièrement souffert, à tel point que des voix s’élèvent pour les laisser ouverts. C’est le souhait du patron du Mouvement des entreprises de France (Medef), Geoffroy Roux de Bézieux, qui assurait lundi 25 janvier sur BMFTV que l’on « a appris des premiers confinements ». « Dans certains endroits, les commerces pouvaient rester ouverts sans provoquer de contaminations ». Cette mesure mettrait fin à la distinction entre commerces essentiels et non-essentiels, mais risquerait d’atténuer l’effet du confinement.


Dans un article publié dans Libération, l’économiste Anne-Laure Delatte, chercheuse au CNRS, réfléchit à des « stratégies intermédiaires », moins dommageables psychologiquement. Elle évoque, par exemple, des pistes comme « concentrer les mesures de confinement et de couvre-feu sur les populations vulnérables (15 millions de Français), plutôt que les appliquer sur toute la population (65 millions), tester chaque semaine le personnel soignant, les enseignants, les salariés des supermarchés, fournir des lieux d’isolement à l’extérieur du foyer pour les personnes vivant en famille dans des logements exigus ».


Étudiants en détresse


Dans le registre des mesures étudiées pour avoir le meilleur impact sanitaire et le moins de conséquences d’un point de vue social, le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy réfléchissait dans Libération à « fermer les écoles trois semaines au lieu de deux » en fusionnant toutes les zones de vacances scolaires, « et [en confinant] sur cette période ». Une manière de réduire, à moyen terme, le temps pendant lequel les écoles resteront fermées. Car c’est une préoccupation exprimée par la Société Française de Pédiatrie (SFP), qui observait dans un communiqué publié le 25 janvier une « augmentation sans précédent des consultations [...] pour motifs psychiatriques ». La SFP plaide donc en faveur « du maintien de l’ouverture des écoles et des collectivités pour les enfants dont la santé mentale et sociale ne doit pas être sacrifiée en contexte pandémique ».



Car le moral de la population, effet collatéral des mesures adoptées pour lutter contre la crise sanitaire, est un autre sujet d’inquiétude. Les étudiants ont manifesté par exemple le 20 janvier pour exprimer leur sentiment de désarroi. D’après une étude menée en octobre par le Centre national de ressources et de résilience (CN2R) auprès de 70 000 étudiants, 11,4% des répondants avaient des idées suicidaires, 27,5 % rapportaient des symptômes sévères d’anxiété et 16,1 % de dépression. Depuis plusieurs semaines, les témoignages d’étudiants faisant part de leur mal-être se multiplient sur les réseaux sociaux.


Cette situation inquiétante avait d’ailleurs conduit le gouvernement à autoriser les étudiants de première année à retrouver les bancs de la fac : gageons que pour eux, le report du confinement sera perçu comme une bonne nouvelle.

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