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Avec Joe Biden, les Etats-Unis enfin dotés d’une vraie stratégie face au Covid ?

Dernière mise à jour : 21 janv. 2021

Le président américain, qui a prêté serment mercredi 21 janvier, a annoncé un ambitieux plan de lutte contre l’épidémie. Il prévoit notamment la vaccination de 100 millions de personnes dans les 100 prochains jours et ambitionne ainsi de réparer les bévues de l'administration Trump.

Le 21 décembre dernier, Joe Biden se fait vacciner contre le Covid-19 en direct à la télévision © ALEX WONG / Getty Images via AFP
Le 21 décembre dernier, Joe Biden se fait vacciner contre le Covid-19 en direct à la télévision © ALEX WONG / Getty Images via AFP

C’est un symbole qui résume la passation de pouvoir entre Donald Trump et Joe Biden : alors que le monde avait les yeux rivés sur la cérémonie d’investiture du 46e président des Etats-Unis, la Maison-Blanche a été désinfectée de fond en comble pour éradiquer toute trace de coronavirus. Un grand ménage est toujours organisé avant l’arrivée des nouveaux locataires, mais l’opération a cette fois pris une ampleur sans précédent, pour assainir une Maison-Blanche transformée en cluster par Donald Trump - 36 employés y avaient été infectés par le Covid-19. Le nettoyage coûtera environ 500 000 dollars, le prix à payer pour faire table rase d’une gestion erratique de la crise sanitaire.


Car si Joe Biden emménage dans une Maison-Blanche désinfectée, il arrive surtout à la tête d’un pays ravagé par le virus : plus de 400 000 Américains sont déjà morts de la maladie, avec en moyenne 3 300 nouvelles victimes quotidiennes ces dernières semaines. A ce rythme, les Etats-Unis atteindraient le seuil des 500 000 décès courant février. Un malheur n’arrivant jamais seul, la crise sanitaire s’est doublée de la pire crise économique qu’a connue le pays depuis la grande dépression des années 1930. Endiguer l’épidémie, pour permettre ensuite à l’économie de redémarrer, est donc la première priorité de l’administration de Joe Biden.


Obligation du port du masque


Le nouveau président compte bien se distinguer de son prédécesseur par une action d’ampleur. Joe Biden a pris, dès mercredi soir, une dizaine de décisions pour amorcer une nouvelle politique. Parmi ces mesures figure l’obligation du port du masque dans les bâtiments et espaces fédéraux, ainsi que lors des déplacements entre États. Joe Biden a par ailleurs commencé à travailler avec les autorités locales pour encourager le port du masque, et a fait tout au long de sa campagne des efforts de pédagogie dans ce sens.


L’immunologue Anthony Fauci, qui va devenir le conseiller principal de la gestion de l’épidémie du nouveau président démocrate, est intervenu dès le jeudi 21 janvier dans une réunion du conseil exécutif de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), annonçant le retour de la présence américaine dans l’organisation internationale. En avril 2020, l’administration Trump s’était retirée de l’OMS et avait suspendu ses financements de cet organe en raison de sa « mauvaise gestion » de la crise sanitaire.


Le troisième enjeu qui attend le nouveau président sur le front sanitaire est la campagne de vaccination. Petite piqûre de rappel : si Donald Trump avait annoncé que 20 millions de personnes seraient vaccinées fin décembre, seules 12 millions de doses avaient été administrées ce lundi 18 janvier, d’après les chiffres officiels communiqués à Reuters. Ce retard s’explique par une mauvaise communication entre le gouvernement fédéral et les 50 États américains, mais aussi par le manque de centres de vaccination. Joe Biden s’est fixé l’objectif ambitieux de réaliser 100 millions de vaccinations en 100 jours, ce qui protégerait près d’un tiers des 330 millions d’habitants du pays. Pour y parvenir, il entend contraindre les entreprises privées à produire certains biens d’urgence, mobiliser la garde nationale et l’Agence de gestion des situations d’urgence (FEMA), d’ordinaire sollicitée après les ouragans et autres catastrophes naturelles. Le nouveau président compte à présent transformer stades, gymnases et écoles en vaccinodromes dans lesquels près de 100.000 soignants pourront opérer. L’impétrant a d’ailleurs promis de « construire équitablement » les centres de vaccination, pour garantir l’accès « aux communautés les plus durement touchées par la pandémie - les noirs et les latinos, mais aussi les communautés rurales ». Mais la route est longue avant que les promesses se concrétisent : les deux fabricants de vaccin, Pfizer et Moderna, ne pourront probablement pas fournir les doses aussi rapidement que souhaité, a indiqué vendredi Jen Psaki, la porte-parole de Joe Biden.


Agir dans un pays divisé


L’obstacle le plus difficile à surmonter pour l’administration Biden sera la polarisation extrême du pays, héritage des quatre années Trump. Car pour mettre en œuvre toutes ces mesures, Joe Biden a besoin de l’appui du Sénat, où il ne dispose que d’une fragile majorité et dont l’agenda politique est chargé. Dans les prochains jours, « la procédure d’impeachment [dirigée contre Donald Trump] et la validation des nominations de l’administration Biden risquent de prendre beaucoup de temps au Sénat », observe William Genieys, directeur de recherche au CNRS, qui a récemment publié Gouverner à l'abri des regards, La réussite de l'Obamacare (Presses de Sciences Po, 2020). Pour être pleinement opérationnel, « le Sénat doit confirmer la nomination de 1 250 individus. A ce jour, Biden n’a annoncé que 47 personnes, dont cinq ont été auditionnées. » Le Sénat va donc avoir fort à faire avant de pouvoir déployer les moyens logistiques pour assurer la campagne de vaccination.


La défiance bat aussi son plein entre les gouverneurs des Etats et le gouvernement fédéral. Or un bon nombre de mesures de précaution sanitaire, comme la fermeture des écoles, des lieux d’administrations publiques ou l’obligation du port du masque, dépendent toujours de décrets d’application promulgués par les gouverneurs des États ou les collectivités locales. Malgré les injonctions de Joe Biden, « 16 des 27 gouverneurs républicains ont déjà fait savoir qu’ils n’imposeraient pas le port du masque », poursuit William Genieys. Les élus ont justifié cette défiance en expliquant que la recommandation venait d’agences comme le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ou les Instituts nationaux de santé (NIH) qui, si elles font autorité à l’international, ont été décrites par Donald Trump comme des incarnations du “deep state” dont il faudrait se défier.


Vendredi dernier, dans un discours visant à tempérer les attentes sur sa capacité à faire face à l’épidémie, Joe Biden annonçait qu’il avait l’intention de « remuer ciel et terre » pour être à la hauteur de ses promesses. Il n’en faudra pas moins.

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