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Charles Hassan, une soupe pour se rendre utile

Dernière mise à jour : 21 janv. 2021

Après avoir soutenu les soignants lors du premier confinement, le tenancier de deux restaurants parisiens fermés met ses qualités au service des sans-abris du XVIIIe arrondissement.

Charles Hassan propose une soupe populaire aux nécessiteux dans son restaurant du XVIIIe arrondissement de Paris © Julie Renson Miquel
Charles Hassan propose une soupe populaire aux nécessiteux dans son restaurant du XVIIIe arrondissement de Paris © Julie Renson Miquel

Une pancarte posée sur la caisse en bois qui sert de table à Stéphane et Nino, 45 et 40 ans, SDF « installés » dans une rue du IXe arrondissement de Paris : « Soupe populaire, un plat chaud pour ceux qui en ont besoin, tous les jours à 15h, rue la Vieuville métro Abbesses. » « C’est pour tout le monde, et c’est du bon, niveau top chef ! vante Nino. C’est Charles qui fait ça. »


Charles, qui a autorisé les deux SDF à s’installer sur ce bout de terrasse couverte sur le trottoir devant son restaurant fermé, « Le grain de folie ». Charles qui ne supporte pas de rester sans rien faire, et qui propose depuis quelques jours cette soupe populaire au bout de la rue La Vieuville.


Son enseigne attire l’œil en ce début de soirée, coin de lumière dans la pénombre de Montmartre. À l’intérieur, le patron ne la cherche pourtant pas, cette lumière. Assis sur l’une des tables alignées devant le bar, Charles arbore un sourire timide lorsqu’on l’interroge sur ses initiatives. Depuis une semaine, il a transformé son restaurant chaleureux en soupe populaire pour proposer des repas aux nécessiteux du quartier, pour « se rendre utile ». En attendant que le bouche à oreille répande la nouvelle, le restaurateur donne ses repas aux associations qui organisent des maraudes.

Francesca s'affaire pour distribuer des repas aux sans-abris. © Julie Renson Miquel
Francesca s'affaire pour distribuer des repas aux sans-abris. © Julie Renson Miquel

« C’était naturel, une nécessité pour moi, confie-t-il. Je ne pouvais pas rester chez moi inactif, c’est quelque chose que je n’ai jamais pu faire, donc il fallait quand même que je fasse quelque chose de constructif. » Alors que le secteur de la restauration est l’un des plus touchés économiquement, le trentenaire au catogan et à la barbe courte avoue être « plus avantagé » que d’autres restaurateurs.

Charles n’en est pas à son coup d’essai : cet été, ses deux restaurants ont fourni pendant deux mois des repas au personnel soignant, acculé par la crise sanitaire. « On fournissait jusqu’à 2000 repas par jour, détaille-t-il. Je faisais tourner les deux restaurants à plein régime gratuitement : j’ai mis à disposition mes équipes, le gaz, l’électricité, et pendant deux mois on a cuisiné à mort tous les jours ! »

Nourrir pour soigner


L’idée, venue d’un ami charcutier, a vite fait des émules. Plusieurs restaurateurs lui ont emboîté le pas, proposant des milliers de plats aux soignants reconnaissants. « J’ai reçu des messages de remerciement sur Instagram et des lettres, c’était sympa » dit-il, ému.


Il avoue s’être « éclaté » pendant cette période. « Je me suis vraiment trouvé une utilité et puis je gérais dix-quinze personnes par jour, j’ai épluché des quantités industrielles de légumes. C’était un camion qui arrivait tous les jours et on travaillait toute la journée, pour faire des chouettes petits plats pour le personnel soignant. Tout était du bénévolat », raconte-t-il.

« On propose quelque chose de vraiment qualitatif, avec que des bons produits frais. C’est une question de respect, je ne sais pas faire autrement. Je veux que tout le monde se rassemble : mon but, ce n’est pas de donner uniquement aux pauvres, mais à tous ceux qui sont dans le besoin, et qui ont envie de passer un moment de chaleur. Je ne regarde pas la feuille d’imposition des gens, l’idée c’était plutôt de créer un moment de convivialité. »

Respect : le mot revient dans la bouche de Stéphane et Nino lorsqu’ils parlent de leur relation avec Charles. Ils s’attendaient à se faire virer à l’arrivée du restaurateur, alors qu’ils ont installé leurs tentes et tout leur barda sur sa terrasse. Mais non. Charles leur donne l’autorisation de rester, contre l’engagement qu’ils lèveront le camp s’il rouvre. « Je n’ai pas besoin de l’espace, donc je leur prête avec plaisir. Et puis on a sympathisé. »

Le répit est précieux pour les deux sans-abris, généralement contraints de déménager tous les jours. Des liens se sont créés avec plusieurs habitants, à tel point qu’ils ne manquent jamais de café le matin, ni de repas ensuite. Mais le provisoire va bientôt prendre fin : Charles ouvre une épicerie juste à côté de la terrasse, et ils vont devoir partir. Les affaires reprennent.


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