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Chronique • France TV gardien du patrimoine culturel… de France TV

Depuis le début de la pandémie, l’audiovisuel public se positionne en sauveur de la culture nationale, mais malgré la création de Culturebox, difficile de croire à une véritable diversité dans ses programmes.


Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, au festival Médias en Seine à Paris en 2018 (crédits : ILAN DEUTSCH / HANS LUCAS VIA AFP)


L’effort est louable. En sortant cinq millions de son chapeau pour sa nouvelle chaîne éphémère "Culturebox" sans demander la moindre rallonge gouvernementale, la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte affirme sa volonté de soutenir une culture sinistrée par le Covid-19, tout en félicitant les programmes déjà proposés par le groupe.


Difficile de nier que France TV a mis la culture au centre de ses programmes en 2020. Pour garder le lien entre les artistes et leur public au fil des confinements, les chaînes publiques ont en effet multiplié les cartes. Il y eut “Au spectacle chez soi” (France 5), pour perpétuer le théâtre dans les salons des Français, “6 à la Maison” (France 2), un rendez-vous quotidien présenté par Anne-Elisabeth Lemoine et Patrick Cohen, ou encore des versions longues de “Basique”, le petit programme musical de France 2. Sans compter l’immortel rendez-vous de 19h, le jeu “N’oubliez pas les paroles”, et ses célèbres danseurs et ambianceurs masqués.


La chaîne s’est aussi activée auprès des plus jeunes, en retardant d’un an la fin de France 4, qui leur est destinée. Le groupe a lancé “Okoo” et “Lumni”, deux initiatives entre télévision et programmes numériques, pour continuer d’apprendre, mais aussi s’amuser et se cultiver. Enfin, la culture a trouvé une place de choix sur l’ambitieuse plateforme de streaming Salto, lancée en octobre avec les groupes TF1 et M6. Sans compter les services de vidéo à la demande “Culturebox” (qui donnera son nom à la nouvelle chaîne) et “France TV Slash”.


Culture du service public ou service public de la culture


Mais revenons à nos moutons : c’est bien une chaîne traditionnelle que compte animer France TV dans les semaines à venir. En ouvrant la fameuse « boîte à culture », on trouve une promesse d’exhaustivité : « tous les spectacles vivants affectés par la crise », nous dit Delphine Ernotte, de l’opéra aux arts plastiques en passant par le stand-up. Pourtant, le point d’orgue ressemble fortement au contenu proposé par France 2 et consorts depuis un an : tous les soirs, une émission avec les « artistes et musiciens préférés des Français », pour célébrer la culture.


La question est simple : de quels Français parle-t-on ? Il y a fort à parier que cette émission sera présentée par Nagui et/ou Stéphane Bern, et célèbrera sans fard des artistes déjà surexposés (si vous n’avez pas entendu la dernière chanson de Vianney, diffusée en spot publicitaire sur France 2 plusieurs fois par jour, c’est cadeau). Même combat pour Patrick Bruel ou Anne Roumanoff. Mais avez-vous déjà entendu parler de Vianney ? Une fois avoir fait le tour de notre « box », ne sommes-nous pas dans cette situation où l’on ouvre une boîte de chocolats bon marché qui ont tous la même saveur un peu fade ?


Ne soyons pas rabat-joie : dans les « prime-time » de Culturebox, vous aurez le droit au quart d’heure « ces chanteurs qui cartonnent chez nos jeunes » : Gims et Dadju y côtoieront Bigflo et Oli, sans pour autant en faire trop avec Aya Nakamura et Jul, qui sont pourtant les leaders de la chanson française en 2020. Il est bien sûr difficile d’imposer de tels changements à des téléspectateurs dont la moyenne d’âge dépasse les 60 ans depuis 2018, mais il paraît assez incongru de parler de la « culture des Français ». La culture des Français du service public n’a plus grand-chose à voir avec la culture objectivement plébiscitée par les Français.


Quid de la diversité ?


En attendant le lancement de Culturebox, permettons-nous de formuler un autre doute : en dehors de la musique, les mêmes têtes seront-elles toujours mises en avant, ou France TV osera-t-il la diversité ? Aurons-nous droit à l’intégrale des James Bond ou des 549 films de Louis de Funès, « parce que ça cartonne » ? Ou à des comédies romantiques avec Virginie Efira et/ou Alexandra Lamy ? Si tant est que les petits artistes soient mis en avant (même à quatre heures du matin), comme le promet Culturebox, il est important de noter que Delphine Ernotte n’a pas répondu à la question « allez-vous rémunérer les artistes? ». Ceux-ci auront donc droit au traditionnel « paiement en visibilité »...


Bien sûr, le groupe se serre la ceinture : entre redressement des comptes et réorganisation de la gouvernance, France TV a vu ses dotations baisser de 61 millions d’euros en 2020, et aura supprimé 10% de ses effectifs (9000 salariés) d’ici 2020. Une chaîne éphémère, c’est bien, mais sur le lit de mort de France Ô, c'est peut-être plus délicat. La chaîne qui occupait le canal 19 de la TNT a cessé d’émettre en août 2020. Contrainte par les coupes budgétaires, l’entreprise doit faire des choix. Celui de Culturebox sera-t-il pour autant le bon?


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