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Epreuves de spécialité : un bac simplifié pour des élèves mitigés

Jean Michel Blanquer a annoncé l'annulation des épreuves de spécialité du baccalauréat 2021. Une nouvelle en apparence bénéfique pour les élèves de première et de terminale, mais qui pourrait renforcer des inégalités accrues par la crise.

Des élèves passant le bac à Strasbourg en 2019 (crédits FREDERICK FLORIN / AFP)


La nouvelle est tombée jeudi soir : il n’y aura pas d’épreuves de spécialité au baccalauréat cette année. C'est ce qu'a annoncé le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, dans un courrier adressé le 21 janvier aux enseignants. En cause, l’aggravation de la crise du Covid-19 et les conditions d’enseignement perturbées depuis novembre.


Les enseignements de spécialité « ne seront pas évalués au travers d'épreuves au mois de mars mais sur la base des moyennes des trois trimestres de terminale de ces enseignements », peut-on lire dans le communiqué ministériel. Certaines épreuves sont toutefois maintenues : « pour la classe de terminale, l’épreuve de philosophie se tiendra le 17 juin ; les épreuves orales du Grand oral se dérouleront du 21 juin au 2 juillet », précise le ministre avant d’ajouter que « pour la classe de première, les épreuves anticipées de français écrites se tiendront le 17 juin ; les épreuves orales s’étendront du 21 juin au 2 juillet ».


Les syndicats divisés


Ce choix a été acclamé par la majorité des syndicats d’enseignants et de parents d’élèves. Et pour cause : ils réclamaient depuis plusieurs semaines l’annulation ou le report de ces épreuves. Sur Twitter, Philippe Vincent, le secrétaire général du SNPDEN, premier syndicat des chefs d’établissement, juge la décision de Jean-Michel Blanquer « raisonnable et pragmatique dans le contexte actuel ».

Dans un communiqué, le SE-Unsa a pour sa part salué « le choix du recours au contrôle continu, le seul qui permet une adaptation des sujets aux progressions réelles et le seul qui garantit que les élèves seront bien évalués ».


Mais tous ne sont pas favorables à cette décision. Au SNES-FSU, premier syndicat du secondaire, Sophie Vénétitay a fait part de ses doutes à l’AFP : « le ministre a entendu que les épreuves ne pouvaient pas décemment se tenir en mars, cela va permettre de faire baisser la pression mais cela soulève le problème du contrôle continu, qui peut être facteur d’inégalité », a-t-elle regretté. Un doute que ne partage pas Philippe Vincent. « Madame Vénétitay met en doute la qualité de l’évaluation des enseignants. Un élève qui est évalué au moins huit à douze fois au cours de l’année, on peut imaginer que les moyennes trimestrielles, voire annuelles, reflètent ses acquis », relativise-t-il auprès de La Quatorzaine.


Risque d'accentuer les inégalités


Côté élèves, les réactions varient. Pour Gabrielle-Rose, élève en seconde, c’est un soulagement : « Je trouve que c’est une bonne décision parce qu’on n’est pas assez prêts. Ça nous met moins de pression tout en nous donnant plus de chances de réussite ». Anaïs, élève en terminale, a quant à elle « sauté de joie » en apprenant la nouvelle : « le bac, ça génère beaucoup de stress. Le fait qu’on soit en cours hybrides [un jour en présentiel, un jour en distanciel] fait qu’on avance beaucoup moins vite sur les programmes. Et puis, nous imposer des épreuves en mars, c’était beaucoup trop tôt », souligne-t-elle.


Pour d’autres, en revanche, le risque est d’accentuer les inégalités. « Pour ceux qui ont une bonne moyenne actuellement, c’est bénéfique, mais pour les autres, ça va être compliqué. Je connais des élèves qui ne vont pas pouvoir rattraper leur retard par manque de temps » assure Antoine, élève en terminale. Ces derniers devront donc miser sur un travail intensif et compter sur une certaine indulgence des professeurs.


L’an dernier déjà, le bac reposait sur le contrôle continu. Afin de ne pas pénaliser les élèves, le ministère de l’Éducation nationale avait demandé une « bienveillance » de la part des jurys. Résultat : 91,5 % des candidats avaient été admis avant les épreuves de rattrapage. Un chiffre supérieur aux années précédentes qui pourrait ne pas refléter les acquis réels des élèves. Certains établissements auraient même « gonflé » les bulletins afin de favoriser « leurs » élèves selon Le Monde.


Quel avenir après le bac ?


Soulagée, Anaïs s’inquiète toutefois pour ses études supérieures : « j’appréhende les partiels qu’on aura en licence, parce que nous, on n’aura pas appris à gérer notre temps et notre stress ». Elle n’est pas la seule à être anxieuse concernant son avenir. Élèves en terminale, Emilia et son amie Patricia se demandent ce que les prochains mois leur réservent. « Oui il n’y a plus le stress du bac, mais d’un autre côté, on ne sait pas si on sera admis dans les écoles supérieures ensuite », remarque Emilia.


Entre les cours hybrides et le contrôle continu, les deux jeunes filles se demandent si leurs notes refléteront leur sérieux. Elles soulignent les nombreux changements intervenus au cours de leur scolarité : « Nous, les 2003, on a eu la réforme du brevet, puis la réforme du bac et maintenant, on doit faire avec le Covid », explique Patricia. « Toute l’année, on n’a pas travaillé normalement et ça se voit aujourd’hui », dit-t-elle, avant d’ajouter : « j’espère que les recruteurs seront indulgents avec nous ».


Une inquiétude que tient à relativiser Philippe Vincent, le secrétaire général du SNPDEN : « pour leurs admissions dans l’enseignement supérieur, les élèves vont passer comme chaque année par Parcoursup. Or, la plateforme prend en compte l’ensemble des éléments des bulletins trimestriels de première et de terminale, explique-t-il. Il suffit d’avoir bien travaillé jusque-là, le contrôle continu n’y changera rien ».

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