« J'ai un peu honte mais j'ai aimé le confinement »
- Marie Paturel
- 21 janv. 2021
- 4 min de lecture
Si pour une majorité de Français, confinements ou couvre-feu sont synonymes d'inquiétude et de stress, certains jeunes ont su s’adapter et tirer parti d’une solitude qu’ils craignaient.

« Je me mettais une pression sociale toute seule. » En télétravail dans son deux pièces de l’est parisien, Marie était loin d’imaginer qu’elle apprécierait la solitude. Avant le premier confinement, elle rythmait ses journées en fonction de ses amis et de son travail. « Quand je n’avais pas de soirée, ça me déprimait. Je faisais tout pour ne pas être seule. » Après plusieurs mois passés sans compagnie, la journaliste de 28 ans surpasse son anxiété : ces moments lui permettent finalement de prendre soin d’elle psychologiquement. Du haut de ses 23 ans, le constat est similaire pour Théa. L’ostéopathe en formation a conscience de sa dépendance affective, parfois trop prenante : « j'avais l’habitude d’angoisser énormément devant l’idée de passer une soirée seule. Maintenant j’en ai besoin pour me sentir bien. »

Sans les deux confinements, cette Toulousaine de cœur n’aurait peut-être jamais connu de moments solitaires. Des moments qu’elle intègre désormais volontairement dans son quotidien, tout comme Léna, étudiante à Bordeaux. « Je ne vais pas me pencher sur mes propres émotions mais plutôt sur ce qu’il y a autour, sur les autres. Ces derniers mois j’ai appris à m’écouter et à faire le point toute seule. » Cette prise de conscience est plus progressive pour Marine, sexologue à Saint-Pierre-et-Miquelon. « Je passais mon temps en dehors de chez moi, je comblais et je ne prenais pas de temps pour moi. Accepter la solitude c’est un objectif sur le long terme. »
Apprendre à rythmer sa solitude
Charlotte est confrontée à la solitude en 2019, alors en troisième année de licence à Angers. L’expérience lui permet d'appréhender la situation actuelle plus sereinement. « La solitude ça s’apprend. Il faut trouver sa routine et une fois que c’est fait, ça devient agréable. » Un avis partagé par Alban : l’archiviste de 26 ans découvre les bienfaits de la solitude il y a quelques années. « J’avais besoin d’être seul avec moi-même. Mais pour que ça aille bien, il faut apprendre à occuper son temps et trouver une activité. »

Enfermée entre quatre murs, Marie n’a pas manqué de projets. « J’ai fait du ukulélé, de la couture, de la broderie, du bricolage, des rénovations, du jardinage, de la cuisine. Je me suis prouvé que j’étais créative et capable de faire ça toute seule. » Pour Léna, changer régulièrement ses habitudes est primordial. « Je n’aime pas la routine. Toutes les semaines j’avais besoin de changer d’activité. » Entre le télétravail et les exercices d’écriture, le dessin, la reprise du yoga ou le réaménagement de son appartement bordelais, l’apprentie infirmière sait maintenant rythmer ses journées sans voir ses proches.

Pour Alban, casanier dans l’âme et passionné de jeux vidéo et d’automobile, le confinement est une opportunité. « J’ai créé un groupe de jeu en ligne pour rouler à plusieurs. On a atteint les 70 membres. On a organisé des championnats et surtout une activité commune pour les gens seuls. » Par le biais du numérique, la solitude peut vite se faire oublier : « j’ai repris contact avec des gens via les réseaux. Le fait qu’on soit confronté à la solitude, ça aide à aller encore plus vers les autres », constate Marine.
Un rapport au corps qui change
Pour accepter son corps, Théa se prend en photo tous les matins devant son miroir de chambre. « Je fais ça depuis le premier confinement. Ça m’a beaucoup aidé à prendre soin de moi, à m’accepter. Je n'avais jamais pris le temps de le faire avant. » Ce rapport à soi-même et particulièrement à son physique change aussi pour Charlotte. « Le temps qui nous a été donné, ça m’a coupé du monde, ça m’a aidé et maintenant je me sens mieux, plus forte. » La jeune Brestoise a aussi pris le temps de trier ses abonnements Instagram. Elle privilégie des comptes comme @coucoulesgirls et tente de déconstruire les critères de beauté parfois imposés aux femmes.

« Ça m’a fait du bien. Maintenant j’ai un réseau qui me ressemble physiquement et mentalement. » En quelques mois, Marie prend également le temps d’apprécier son corps, qu’elle redécouvre. « Cet été je me sentais beaucoup plus belle. Quand j’étais confinée, j’écoutais mon corps. Maintenant je me prends moins le chou. »
Des solutions pour mieux vivre son isolement
Mais apprécier cette solitude est un luxe, pour Alban comme pour Marie. « J’ai un peu honte de dire que j’ai aimé le confinement. J’avais plusieurs personnes autour de moi qui n’étaient pas dans de bonnes conditions. » Pour pallier cette culpabilité, la journaliste vient en aide aux plus démunis en achetant des vivres, en cuisinant ou en donnant ses vêtements. Elle décide aussi de se mettre à la couture, achète une machine et confectionne des masques qu’elle distribue. « C’était cool d’avoir du temps pour les autres. »

Si pour cette parisienne, l’isolement a été bénéfique, d’autres doivent encore lutter pour l’apprécier. Pour rompre ce mal-être, plusieurs initiatives existent à l’image de la Fondation de France et d’une multitude d’associations de proximité, toutes engagées pour recréer du lien social. Un lien, de l'entraide et du temps pour soi qu'il sera nécessaire de maintenir face à l'arrive possible d'un troisième confinement.
super