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« On en a marre de regarder Netflix » : Les galeries d'art, derniers bastions culturels de Paris

Avec la fermeture des lieux culturels, les passionnés se ruent dans les galeries d’art de la capitale, qui connaissent un succès inattendu.

Depuis la fin du confinement, la galerie de l'instant fait carton plein. © Julie Renson Miquel
Depuis la fin du confinement, la galerie de l'instant fait carton plein.

« C’est jouable pour vous une livraison demain ? », s’exclame Julie Gragnon, gérante de la Galerie de l’instant (IIIe arrondissement de Paris), assise à son bureau et le téléphone vissé à l’oreille. C’est la deuxième fois en huit jours qu’elle commande des affiches de l’exposition sur Frida Kahlo. « J’ai été dévalisée le week-end dernier, explique-t-elle. Ça fait seize ans que la galerie est ouverte et je n’avais jamais vu ça. Si les clients étaient repartis avec les photos qu’ils ont achetées, il n’y aurait plus d’exposition. » Pour immortaliser l'affluence record du week-end, elle a même pris en photo la file d’attente, qui s’étendait sur plus de cinquante mètres dans la rue de Poitou.



Depuis le 30 octobre dernier et la fermeture des musées, théâtres et cinémas, pour enrayer la seconde vague de l'épidémie de Covid-19, la fréquentation de la galerie a explosé. « On ne peut plus aller dans les lieux culturels, on en a marre de regarder Homeland sur Netflix », râlent Jean-Pierre et Annick, 70 ans.

« On en a marre de regarder Netflix »

Après une première tentative dimanche pour voir l’exposition – qui s’est soldée par un échec, « il y avait trop de monde » – le couple est revenu aujourd’hui pour admirer Frida Kahlo, photographiée dans les années 1980 et 1990 par Lucienne Bloch. « Qu’est-ce qu’elle était belle, chuchote Jean-Pierre à sa femme Annick. Mais ne souriait-elle jamais ? » A quelques mètres de là, Simone, 90 ans, fait une autre lecture des 24 photos de la peintre mexicaine : « elle sourit très peu, certes, mais ça fait du bien de découvrir une Frida Kahlo jeune, pas encore souffrante. Ça me met un peu de baume au cœur en cette période compliquée ». Depuis quelques semaines, la nonagénaire s'est lancée dans un nouveau rituel : arpenter les galeries d’art parisiennes. « Je ne peux plus aller au cinéma, déplore-t-elle. Alors je dévore les galeries. C’est le bonheur ! ».


L'exposition en images (Diaporama) :


Les galeries, une échappatoire


De nouveaux visiteurs qu’accueille avec plaisir Hervé, gérant de la galerie Image In’air près du Centre Pompidou. « On a une nouvelle clientèle plutôt féminine, majoritairement âgée de 45 à 65 ans, explique-t-il. Comme nous sommes une galerie de reproductions de tableaux célèbres, les clientes sont ravies de découvrir des œuvres de musées sans vraiment pouvoir y être. »


Ce succès inattendu s'explique par un besoin d’échappatoire, selon Géraldine de Speville, déléguée générale du Comité professionnel des galeries d’art (CPGA). « Les galeries sont des lieux où l’on vient s’évader, les gens ont besoin de se faire du bien à l’âme, analyse-t-elle. Ils sont en manque de culture, ils en ont marre des visites virtuelles, ils recherchent un contact réel avec des œuvres. » Les retombées économiques de ces visites sont difficiles à évaluer, dans un contexte sanitaire sans perspective pour le milieu de la culture. Jusqu’à présent, les galeristes tiennent grâce à la trésorerie de leur année 2019 et aux aides gouvernementales. Certains ont même d’agréables surprises : « économiquement, moi ça va très bien ! J’ai même honte », confie la gérante de La Galerie de L’Instant qui pourrait encore avoir de beaux jours devant elle surtout qu'une réouverture des lieux culturels ne semble pas à l'ordre du jour.


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