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Au cœur de Paris, la bataille d’Austerlitz

Jusqu’au dimanche 31 janvier, la galerie Arts et Autographes expose et met en vente un manuscrit de la célèbre bataille corrigé et annoté par Napoléon.

Le manuscrit, long de 74 pages, s'accompagne d'une carte de la bataille (Crédits : Thomas COEX / AFP)

La cavalerie russe devance de peu les grenadiers, protégés par une quinzaine de canons. À deux pas de la rue Bonaparte — comme par hasard — dans le 6e arrondissement de Paris, se déroule la bataille d’Austerlitz. Pas de heurts ou de sang : il ne s’agit que du récit de la confrontation entre la Grande Armée de Napoléon et la coalition de François 1er d’Autriche et du tsar Alexandre 1er. Depuis mercredi 27 janvier, la galerie Arts et Autographes expose un manuscrit écrit par le général Bertrand, fidèle compagnon de Napoléon, annoté et corrigé par l’empereur lui-même. Le seul texte co-rédigé par l’empereur à propos de cette bataille qui a fait sa légende.


« De toutes ses mémoires, c’est ce qu’il y a de plus mythique, s’enthousiasme Jean-Emmanuel Raux, propriétaire de la galerie. C’est un beau document d’histoire, mais ce qui est fabuleux, c’est que c’est raconté par Napoléon. Ce n’est pas la vision cadrée, avec tous les rapports militaires sur la bataille d’Austerlitz. »

Exposé pour la Foire d’art de Bruxelles


Jean-Emmanuel Raux l’a acquis lors d’une vente aux enchères organisée par les héritiers du général Bertrand dans les années 1970. Ce n’est que cette année qu’il a décidé de l’exposer pour le mettre en vente, pour un million d'euros. « C’était l’occasion, pour le bicentenaire de la mort de Napoléon et parce qu’on participe pour la première fois à la Brafa (Foire d’art de Bruxelles, NDLR), raconte Alizée Raux, fille du propriétaire et galeriste. On voulait vraiment marquer le coup ! »


Longtemps menacée d’annulation ou de report à cause de la pandémie, la 66e édition de la Brafa se tient finalement, non pas dans la capitale belge mais dans les galeries et chez les propriétaires. Du 27 au 31 janvier, la foire est donc éparpillée dans plusieurs grandes villes d’Europe, d’Amsterdam à Paris. « C’est très bien, ça donne de la visibilité aux galeries, se réjouit Alizée Raux. Actuellement, beaucoup de gens pensent que les galeries sont fermées, au même titre que les musées, alors que ce n’est pas le cas. Le tout est de faire venir les gens et montrer qu’on a des objets fabuleux ! »



Depuis mercredi, l’opération fonctionne. Fin connaisseurs de Bonaparte, amateurs d’histoire ou simples curieux, les visiteurs se pressent devant la vitrine le long du mur, les yeux rivés sur l’écriture inclinée qui retrace, au fil de 74 pages, la bataille qui a forgé le mythe de Napoléon. « Nous ne sommes pas des experts, mais on voulait tout de même voir le manuscrit et on nous l’a très bien commenté ! », s’exclame Pierre et Antoine, des spectateurs conquis.


Une immersion dans la stratégie de l’empereur


« Beaucoup de gens appellent pour prendre rendez-vous, ce qui est bien parce qu’on peut planifier les visites », explique Alizée Raux, qui a même accueilli un spectateur venant de Suisse. Seuls cinq visiteurs à la fois peuvent observer le précieux artefact, mais ces restrictions liées à la situation sanitaire n’ont pas que des inconvénients. « Ils finissent par se parler, même s’ils ne se connaissent pas, poursuit-elle. De plus en plus, on a besoin d’un lien social. »


Dans la vitrine principale, une immersion dans les pensées de Napoléon, le jour de son chef-d’œuvre tactique. « Si je voulais empêcher l’ennemi de tourner [à] ma droite, je me placerais sur ces belles hauteurs, mais je n’aurais qu’une bataille ordinaire, avec l’avantage du poste », écrit par exemple l’empereur.


Une carte dessinée par le général Bertrand accompagne ces lignes, sur laquelle figure la répartition des troupes adverses. Un peu en retrait, derrière la Grande Armée, un « N ». Sur la colline, Napoléon observe la bataille. Donné perdant, il remporte le 2 décembre 1805 l’une des plus grandes victoires de l’histoire française. Des portraits de l’empereur accompagnent aussi le texte ainsi que des gravures, dont une de Longwood House, demeure témoin de ses derniers jours.


Dans les lignes se dessine la personnalité de l’empereur, qui calcule encore en calendrier révolutionnaire, parle de lui à la troisième personne et se veut précis dans le déroulé de la bataille qui l’a vu vaincre deux grands empereurs de l’époque. Un récit forcément déformé par la volonté de Napoléon d’être retenu dans la postérité comme un héros.

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