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« Le ciel est plus bleu maintenant » : le Michelin redonne espoir aux nouveaux étoilés

Dernière mise à jour : 21 janv. 2021

Malgré la crise sanitaire, le guide Michelin a dévoilé le 19 janvier son palmarès 2021. Une bouffée d’air pour les 54 nouveaux étoilés, dont font partie les jeunes chefs Vincent Favre Félix et Coline Faulquier.

Le travail de Coline Faulquier et Vincent Favre Félix a été auréolé lors du palmarès 2021 du guide Michelin.
Le travail de Coline Faulquier et Vincent Favre Félix a été auréolé lors du palmarès 2021 du guide Michelin.

« Je suis très contente de voir que le Michelin a constaté qu’on a fait des efforts, qu’on existe, qu’on s’est adapté. » Pour les chefs, le maintien de l’édition 2021 du guide gastronomique est un soulagement. Beaucoup ont continué à travailler en faisant de la vente à emporter. D’autres ont fait le choix de se réinventer. Tous voient en l’obtention d’une étoile un signe de confiance et un socle sur lequel bâtir les fondations d’une prochaine réouverture. Situé à quelques minutes de l’avenue du Prado, dans le VIIIe arrondissement de Marseille, le restaurant Signature a reçu lundi sa première étoile. Une manière de saluer ce temple de la cuisine saisonnière, tourné vers les légumes et la mer. La cheffe de l’établissement, Coline Faulquier, a aussi reçu le prix de « jeune chef » de l’année 2021, titre qu’elle partage avec un autre ex-candidat de l’émission « Top Chef» (M6), Mory Sacko.


Le parcours de la jeune femme force le respect. Originaire de Nevers, elle se forme auprès de cuisiniers étoilés ou Meilleurs Ouvriers de France comme Olivier Nasti et Éric Fréchon. En 2016, elle prend part à la célèbre émission culinaire, dont elle gagne plusieurs épreuves avant de s’incliner en finale. Trois ans plus tard, à trente ans, elle ouvre son restaurant. Un établissement qu’elle a construit de manière originale, à sa manière : « c’est un restaurant que j’ai bâti avec ma maman. Tout a été pensé, les tables sont faites avec du bois qui vient de chez mon papa. J’ai été formé dans le classicisme (Meilleurs Ouvriers de France, école supérieure de gastronomie Ferrandi) et ici le but c’était de laisser parler mon cœur, mes émotions, pour me laisser porter par mes envies et mes besoins. »


Un gage de notoriété


Lorsqu’on évoque avec elle le peu de femmes présentes dans le palmarès 2021 du guide Michelin, Coline Faulquier concède que c’est un métier compliqué pour les cheffes, mais estime à titre personnel avoir toujours « fait en sorte d’être considérée comme un bon chef et pas en tant qu’homme ou femme ». Elle souligne également l’évolution du livre rouge qui a récompensé plusieurs femmes cette année, avec des prix spéciaux pour le service et la sommellerie. Le cheffe nivernaise veut aussi utiliser la notoriété que lui confère cette première étoile pour participer au rayonnement de Marseille. Elle estime que sa ville entre terre et mer, proche du terroir a été trop longtemps oubliée de la gastronomie française. L’année 2021 commence par de petits travaux au restaurant Signature mais l’objectif est clair. « Je tiens à assurer cette étoile l’année prochaine parce qu’avoir une étoile c’est une chose mais l’important c’est de la conserver ».


Pour Coline Faulquier, ce serait la meilleure façon de faire taire définitivement les critiques, qui estiment que la sélection 2021 ne mérite pas ses étoiles. Avec des restaurants français ouverts seulement huit mois sur douze en 2020, les détracteurs du célèbre livre à la couverture rouge critiquent une édition qui serait moins légitime que les autres, en raison de la crise sanitaire. Des accusations que Gwendal Poulennec, directeur international des guides Michelin, balaye d’un revers de main. Dans un long entretien accordé au journal Le Point, l’homme d’affaires défend la nécessité de s’adapter et indique que la méthodologie des années précédentes a été respectée. Les puristes de la table peuvent donc être rassurés, les inspecteurs du guide n’ont pas manqué un seul essai de table et ont même reçu des renforts de leurs confrères des éditions européennes.


« Ça m’a fait beaucoup de bien, c’était un rêve de gosse pour moi. »

Autre lauréat de cette édition 2021, le restaurant Vincent Favre Félix. Fondé par le chef du même nom, il faut pour le trouver sortir de la ville d’Annecy (Haute-Savoie) et chercher un bâtiment moderne encerclé par la verdure. Il s’agit d’une ancienne abbaye que le chef a rénovée et transformée en restaurant gastronomique. Le lieu, chargé d’histoire et plutôt isolé, a séduit celui qui ne voulait pas s’installer « au milieu des autres ». Après une formation chez de grands noms de la cuisine française comme Marc Veyrat, le grand brun à la carrure de rugbyman prend son indépendance et ouvre son propre restaurant en juin 2019. « J’ai essayé de faire quelque chose de simple, nature, un petit gastro décomplexé. Mon père était bûcheron-débardeur, j’ai passé une partie de ma vie à aller avec lui en forêt. Cela se reconnaît dans la décoration de la salle (grande table d’hôte, éléments décoratifs en bois…) ».

Rester aux fourneaux coûte-que-coûte


Un établissement intimiste, qui fait la part belle aux produits de région. Les périodes de confinement ont été l’occasion de renforcer ce lien avec les petits producteurs et de renouveler son offre culinaire. Dès le mois d’avril 2020, Vincent Favre Félix développe une nouvelle carte à emporter, livre les brunchs à domicile et installe dans son restaurant un espace boutique pour mettre à l’honneur les producteurs avec lesquels il travaille. Après une réouverture estivale fructueuse, le 28 octobre sonne le retour de la cuisine à emporter en prévision des fêtes de fin d’année. L’étoile du Michelin est venue couronner toutes ces initiatives. « Cette étoile c’est un coup de balai en quelque sorte, on a l’impression que le ciel est bleu maintenant. Ça m’a fait beaucoup de bien, c’était un rêve de gosse pour moi. Je remercie le guide Michelin et je pense que c’est bien qu’ils aient maintenu l’attribution des prix. »


L’année 2021 démarre sur les chapeaux de roue pour le chef haut-savoyard, qui ne manque pas de projets : changement de la carte pour proposer aux clients une cuisine à l’identité plus marquée, amélioration de l’espace boutique ou encore la possibilité d’acheter un panier de légumes des producteurs directement au restaurant. La réouverture reste évidemment l’objectif final, avec en ligne de mire le souhait de fêter dignement sa première étoile avec ses clients.


Coline Faulquier et Vincent Favre Félix ont longtemps été perçus comme des héritiers. Formés par de grands chefs, ils ont dû avancer avec ce poids si particulier sur les épaules. Leur première étoile prouve qu’ils sont à la hauteur et qu’ils ont réussi à prendre leur indépendance. En définitive, ils incarnent peut-être un retour aux sources de la gastronomie française que l’édition 2021 du guide Michelin semble avoir souhaité récompenser.


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